IN MEMORIAM Guy Brousseau 1933-2024

Quelques semaines après avoir appris le décès de Guy Brousseau survenu le 15 février 2024 dans sa 91ème année, l’AECSE republie à titre d’hommage l’annonce de sa réception de la première médaille Félix Klein, en 2003.

 

 » La première médaille Felix Klein de la Commission Internationale de l’Enseignement des  Mathématiques est décernée au professeur Guy Brousseau. Cette médaille récompense la contribution essentielle que Guy Brousseau a apportée au développement de la didactique des mathématiques comme champ de recherche scientifique, à travers les travaux théoriques et expérimentaux qu’il a menés dans ce domaine pendant une quarantaine d’années. Elle récompense aussi les efforts permanents qu’il a déployés tout au long de sa carrière pour que ces recherches contribuent à l’amélioration de la formation mathématique des élèves et des enseignants.

Guy Brousseau, né en 1933, a commencé sa carrière comme instituteur en 1953. A la fin des années 60, après avoir obtenu une licence de mathématiques, il est entré à l’université de Bordeaux. En 1986, il a obtenu un doctorat d’état es sciences et, en 1991, il est devenu professeur d’université à l’IUFM d’Aquitaine qui venait d’être créé, où il a travaillé jusqu’en 1998. Il est actuellement professeur émérite à l’IUFM d’Aquitaine. Il est aussi docteur Honoris Causa de l’Université de Montréal.

Dès le début des années 70, Guy Brousseau s’est imposé comme l’un des principaux chercheurs dans le champ tout nouveau de la didactique des mathématiques, et aussi comme l’un des plus originaux, affirmant avec conviction que ce champ devait être développé comme un champ de recherche spécifique, avec à la fois une recherche fondamentale et une recherche appliquée, mais aussi qu’il devait rester proche des mathématiques.

Sa contribution théorique essentielle au champ didactique est la théorie des situations didactiques, une théorie initiée au début des années 70 et qu’il a continué à élaborer avec une énergie sans faille et une exceptionnelle créativité jusqu’à aujourd’hui. À un moment où la vision dominante était une vision cognitive, fortement influencée par l’épistémologie piagétienne, il a affirmé avec force que ce dont le champ didactique avait besoin, ce n’était pas d’une théorie purement cognitive mais d’une construction qui permettrait de comprendre les interactions sociales entre élèves, enseignant et savoirs mathématiques qui se nouent au sein de la classe et conditionnent ce que les élèves apprennent et comment ils l’apprennent. Ce fut l’ambition de la théorie des situations didactiques qui a progressivement mûri pour devenir l’impressionnante et complexe construction qu’elle est aujourd’hui. Cette construction fut bien entendu un travail collectif mais chaque fois qu’il y eut des avancées notables, Guy Brousseau en fut la source.

Cette théorie, visionnaire par la façon dont elle sut intégrer, dès ses débuts, les dimensions épistémologiques, cognitives et sociales de l’apprentissage des mathématiques, a été une source constante d’inspiration pour de nombreux chercheurs, partout dans le monde. Ses principaux concepts, comme ceux de situations a-didactiques et didactiques, de contrat didactique, de dévolution et d’institutionnalisation, sont devenus largement accessibles, à travers la traduction des principaux articles de Guy Brousseau dans de nombreuses langues et, plus récemment, à travers la parution en 1997 chez Kluwer du livre intitulé ‘Theory of didactical situations in mathematics – 1970-1990‘.

Bien que les recherches que Guy Brousseau a inspirées concernent aujourd’hui l’ensemble des niveaux d’enseignement, de l’école maternelle à l’université, ses contributions personnelles majeures concernent, elles, l’enseignement élémentaire, couvrant à ce niveau tous les domaines, du numérique et du géométrique jusqu’aux probabilités. Elles doivent beaucoup à la structure spécifique qu’est le COREM (Centre pour l’observation et la recherche sur l’enseignement des mathématiques), une structure qu’il a créée en 1972 et dirigée jusqu’en 1997. Le COREM a en particulier permis une organisation tout à fait originale des rapports entre recherche théorique et expérimentale.

Guy Brousseau n’a pas été seulement un chercheur inspiré et exceptionnel dans le champ de la didactique des mathématiques. Il a été aussi une personne qui a dédié sa vie professionnelle à ce champ, travaillant sans relâche à son développement, en France mais aussi dans de nombreux pays, soutenant la création de programmes doctoraux, aidant et dirigeant les travaux de nombreux chercheurs (il a ainsi dirigé plus de 50 thèses), contribuant de façon essentielle au développement des connaissances mathématiques et didactiques des étudiants et des enseignants. Il s’est impliqué fortement jusque dans les années 90 dans les activités de CIEAEM (Commission Internationale pour l’Étude et l’Amélioration de l’Enseignement des Mathématiques) dont il a été secrétaire de 1981 à 1984. Sur le plan national, il a été, dès ses débuts, à la fin des années 60, un des piliers de l’expérience des IREM (Instituts de Recherche sur l’Enseignement des Mathématiques) et il a eu une influence décisive sur les activités et les ressources que ces instituts ont développées, depuis plus de trente ans, pour améliorer la formation mathématique des enseignants de l’école élémentaire.
Source : Citation officielle de la CIEM pour la remise de la médaille Felix Klein (2003)

https://ardm.eu/qui-sommes-nous-who-are-we-quienes-somos/guy-brousseau-medaille-felix-klein-2003/

 

(CIEM : International Commission on Mathematical Instruction (ICMI) is a commission of the International Mathematical Union (IMU), an international non-governmental and nonprofit scientific organisation whose purpose is to promote international cooperation in mathematics. Founded at the International Congress of Mathematicians in Rome, 1908″