Hommage à Nicole Mosconi – 8 mars – Journée internationale des droits des femmes

En ce 8 mars 2021, Journée internationale des droits des femmes, nous pouvons célébrer Nicole Mosconi, dont la récente disparition nous a attristé·e·s. Rendons hommage à ce dont lui est redevable la communauté des sciences de l’éducation, des recherches en éducation et en formation, des études féministes.

 

Avant de porter son regard acéré sur la fabrication des inégalités sexuées à l’école, Nicole Mosconi a connu un parcours d’exception. Elle intègre l’École Normale Supérieure de Sèvres, obtient l’agrégation de philosophie. Après quelques années d’enseignement en lycée, Nicole Mosconi reprend des études en sciences de l’éducation à Nanterre. Dans le cadre de sa thèse, elle a produit une réflexion philosophique sur la mixité (La mixité dans l’enseignement secondaire : un faux semblant ? PUF, 1989), à quoi feront écho les recherches également pionnières de la sociologue de l’éducation Claude Zaidman (La Mixité à l’école primaire. L’Harmattan, 1996).

À Nanterre, elle poursuit ses travaux de recherche dans le cadre de l’équipe « Savoirs et rapport au savoir », créée par Jacky Beillerot. Pour éclairer le rapport au savoir, elle développe une approche sociohistorique et mobilise la notion de curriculum issue de la sociologie de l’éducation britannique pour analyser la production et transmission des savoirs scolaires (Femmes et savoirs. La société, l’école et la division sexuelle des savoirs. L’Harmattan, 1994). Dans cet ouvrage de référence (issu de son HDR), elle met au jour de manière magistrale l’androcentrisme et le sexisme des savoirs enseignés.

Concernant plus particulièrement la philosophie, son travail s’inscrit dans la veine des travaux pionniers de Michèle Le Doeuff (L’Étude et le Rouet. Des femmes, de la philosophie, etc. Seuil, 1989 ; Le sexe du savoir. Aubier, 1998). Elle nous donne à comprendre que les choix curriculaires institutionnels sont traversés par les rapports sociaux de sexe. De même, elle montre le jeu des rapports sociaux de classe et de sexe dans les rapports au savoir. C’est ce que ses analyses de parcours de formation de femmes adultes font ressortir. Parmi les parcours, elle s’est notamment penchée sur celui de la philosophe Simone de Beauvoir (« Les « Mémoires d’une jeune fille rangée » : la constitution du rapport au savoir chez Simone de Beauvoir ». In J. Beillerot, C. Blanchard-Laville & N. Mosconi.Pour une clinique du rapport au savoir. L’Harmattan, 1996, pp. 161-173).

Concernant l’école, de manière pionnière là encore, Nicole Mosconi développe des travaux empiriques reposant sur des observations de classe. Ses propres travaux, les travaux qu’elle dirige, les travaux internationaux convergent pour mettre au jour comment effectivement les rapports sociaux de sexe travaillent les pratiques, les interactions, les évaluations, les comportements, les attentes…

 

Nicole Mosconi a contribué à faire exister au sein des sciences de l’éducation les recherches qui s’intéressent aux inégalités sexuées, qui mobilisent les rapports sociaux de sexe. Au travers de l’encadrement de thèses, de HDR, elle se préoccupait de la « relève » dans ce domaine de recherche, qu’elle a également contribué à faire vivre au niveau international francophone, notamment avec ses complices Claudie Solar, à Montréal, et Edmée Ollagnier à Genève.

 

Et elle a également œuvré pour faire exister l’éducation dans les études genre et féministes en France. On peut évoquer son rôle au sein de l’Association Nationale des Études Féministes (ANEF), de l’Institut Émilie Châtelet, du réseau MAGE, de la revue Travail, Genre et Sociétés.

 

Soulignons son rôle dans le domaine de la philosophie de l’éducation, ses articles publiés dans la revue de référence en philosophie de l’éducation en France, Télémaque, ont d’ailleurs été rassemblés dans : Genre et éducation. Des clartés de tout (L’Harmattan, 2017).

 

Nicole Mosconi manifestait également une grande curiosité et ouverture sur le plan épistémo-théorique. C’est ainsi qu’elle a pu accueillir les approches mobilisant d’autres rapports sociaux, voire leur l’imbrication (cf Travail, Genre et Sociétés, 2019, 1/41, pp. 147-152).

 

Enfin, elle a contribué au développement des sciences de l’éducation, localement au sein du département des sciences de l’éducation de Nanterre, nationalement en assurant la co-présidence de l’AECSE avec Marguerite Altet (introduisant d’ailleurs le principe d’une co-présidence mixte), la vice-présidence de la section 70 du CNU avec Elisabeth Bautier.

 

Les témoignages et hommages nombreux qui ont suivi l’annonce de sa disparition soulignent ses qualités humaines. Toutes les personnes qui ont eu la chance de la côtoyer (que ce soit dans le cercle professionnel, universitaire, associatif, amical) gardent l’image d’une personne disponible, à l’écoute, bienveillante.

 

L’Association de Recherche sur le Genre en Éducation et Formation (ARGEF), avec d’autres associations, programmera ultérieurement une Journée pour rendre pleinement hommage aux différentes dimensions de la contribution de Nicole Mosconi aux recherches en éducation et formation, sous l’angle genré.

 

En attendant cette programmation, pour entendre sa voix, on peut (re)lire l’entretien que Nicole Mosconi a accordé à Laurence Gavarini & Philippe Chaussecourte (Cliopsy, 2011 (5), pp. 99-126) et voir l’une de ses dernières conférences filmées, lors d’une Journée d’études organisée par l’Inspé de Paris en mars 2020.

 

 

Nassira Hedjerassi